
Travailleurs sans qualification
*Je ne suis pas trop habile dans mon travail, je ne le connais pas très bien. Je fais de la réparation d’auto dans un garage. Quand on constate que vous ne connaissez pas bien le travail on vous ridiculise on vous fait des histoires. Vous êtes avec moi, vous faites comme si vous êtes en train de vous amuser
*Quand je suis arrivé ici, je ne savais strictement rien faire. Je n’avais pas de métier et c’est là que j’ai commencé à travailler dans la construction.
*Je suis manœuvre même si je ne connaissais rien là-dedans.
*Si la Guyane était un pays industrialisé, avec des factoreries, des usines, etc. Ce serait mieux, mais même à ça, je ne sais pas, car la majorité des Haïtiens ici viennent de la province et ne savent pas faire ça.
La seule chose qu’ils savent c’est faire de l’agriculture, ceux qui font de la maçonnerie c’est ici qu’ils ont appris le métier
« Arrivé ici à 23 ans, j’ai toujours voulu apprendre des choses et c’est ainsi que j’ai obtenu un permis de conducteur poids lourd. Comme je me suis toujours intéressé à l’électricité et que je peux me payer des cours parce que je travaille, je prends actuellement des cours en électricité. Je peux aussi me débrouiller sur un chantier. «
Avec… déqualifications
*Quand je suis parti, j’ai amené avec moi tous mes certificats de travail, mais je me suis dit que la Guyane est un pays sous occupation, ce n’est pas un pays indépendant, ce n’est pas un pays qui a des industries. En arrivant, j’ai été 8 mois sans rien faire. Je voyais que la vie n’était pas bonne. Je me disais que si c’était quelqu’un qui m’avait fait venir je lui dirais de se démerder pour me faire retourner chez moi
*Quand j’étais en Haïti, j’ai travaillé comme tailleur, mais quand j’ai fait les démarches· pour arriver ici, tu sais dans les agences ils te prennent ton argent, mais ils te donnent aussi des conseils, ils m’ont dit de déclarer que j’étais boss-maçon, car comme tailleur je n’aurais pas de chance. Tu vois comment est la vie ! Je n’ai jamais travaillé comme tailleur ni comme maçon ici. Je gagne ma vie comme applicateur hygiéniste.
*Je n’ai pas cherché du travail comme ferrailleur ici, un travail pour lequel j’avais de l’expérience, ou autre chose dans la construction, car tu travailles à t’esquinter et ils ne te payent pas.
*Comme j’étais électricien de profession j’ai parlé de mes problèmes avec des copains qui m’ont référé à un emploi dans une société qui m’a engagé.
Mais le salaire était très bas, je ne gagnais que 13F de l’heure. À cette époque quelqu’un qui gagnait 1500-1800F par mois vivait bien… Après un an j’ai laissé tomber ce boulot, car je considérais que je perdais mon temps.
Les Jobs
La très grande majorité des Haïtiens en Guyane sont au chômage et ne survivent que grâce à des emplois temporaires ou « jobs ».
*Je suis venu ici en septembre 1981. Je sais précisément la date, car c’est quelque chose que je n’oublierai jamais. J’ai quitté mon pays pour trouver du travail et en arrivant je n’ai pas pu trouver aucun travail.
La première étape pour sortir de ce dilemme consiste donc à trouver un patron. Pour ce faire il existe plusieurs stratégies : la mobilisation d’un réseau personnel, le porte-à-porte, l’embauche en des lieux particuliers.
Le Réseau personnel
Le réseau personnel est constitué principalement des personnes qui ont déjà été impliquées dans le processus migratoire et qui ont aidé l’immigrant à s’installer en Guyane. Des parents, des amis ou de nouvelles connaissances aident à trouver du travail.
*Bref je n’ai pas connu tellement de misère, car au bout d’un mois mon frère qui était déjà ici et qui partait pour Paris m’a laissé son boulot. Un boulot que j’ai occupé pendant un an.
*Nous avons choisi d’habiter Sinnamary surtout à cause de camarades qui travaillaient dans l’élevage et qui nous disaient qu’il y avait du travail dans ce secteur ici. C’est l’un qui amène l’autre. Les Haïtiens trouvent toujours du travail, car ils ont du courage, ce même si quelquefois ils manquent de tête. Il est solide. Ici beaucoup de gens du pays sont fainéants et ne veulent pas faire de travail. Ici ce sont les Haïtiens qui travaillent.
Malheureusement les papiers sont une barrière que nous sommes incapables d’enjamber. »
*C’est mon beau-frère qui travaillait-là qui m’a fait embaucher pour le remplacer lorsqu’il est parti en Haïti en visite. C’était temporaire, mais ça fait 8 mois qu’il est parti.
*En arrivant à Rochambeau, je suis allé habiter chez mon frère qui avait un logement fourni par la rhumerie Prévost. J’ai commencé à travailler avec mon frère et après deux jours j’ai eu un emploi à la rhumerie.
*Comme mon ami travaillait dans un chantier près de l’école, il est allé voir son patron qui m’a embauché. Je ne savais même pas où j’allais dormir. J’ai eu beaucoup de chance. Mais c’est mon ami qui empochait mon argent ! J’ai travaillé là pendant un bout de temps, mais il ne me payait pas. J’ai perdu au moins 6,000 F dans ses mains. Par contre, je l’ai obligé à me faire faire des papiers …
Le Porte-à-porte et le marché aux Esclaves
La recherche d’emploi peut être plus aléatoire comme quand on propose ses services sur la rue à des employeurs ou quand on passe de porte-à-porte pour offrir son travail. Le «marché aux esclaves», est un lieux où les journaliers se regroupent pour attendre des employeurs de passage.
*Je n’aime pas frapper aux portes pour trouver du boulot, c’est pour ça que la construction ne m’intéresse pas et de plus souvent on ne te paye pas! Sur les 60 personnes qui sont ici, il y en a peut-être seulement 2 ou 3 qui ont vraiment un travail. Les autres ne font que des boulots comme ça.
*C’est une personne qui en aide une autre pour vivre, une Haïtienne qui fait à manger pour t’en donner un peu, c’est comme ça…Chaque jour, il faut se lever et chercher un petit travail, souvent tu ne trouves pas et quand tu trouves, ils ne te payent pas. C’est comme ça la Guyane
Les Jobs
Le marché du travail en Guyane est très limité, les secteurs primaires et secondaires étant à la remorque du secteur tertiaire. La stratégie des travailleurs haïtiens est donc de cumuler plusieurs emplois temporaires et à temps partiel.
*L’éventail des tâches que peut remplir le travailleur est très étendu. Cela va de nettoyer la banque, travailler pour un service d’entretien d’immeubles, vendeur de borlettes à Saint-Laurent » ou faire une tapisserie sur canevas pour une dame » ou encore des petits boulots à la machette et « depuis 2-3 mois, faire de l’élevage des cochons et du jardinage, quelques petits boulots en maçonnerie, 1-2 jour par-ci par- là , à la demande d’un ami
*Ça fait six mois qu’on fait des petits boulots pour pouvoir manger, mais au début on a été sans rien faire pendant 9 mois. Maintenant c’est une semaine par-ci par- là. Mon ancien patron pour lequel j’ai travaillé pendant 6 mois est mort. J’ai donc perdu mon emploi. Le travail de maçon que je fais, c’est strictement pour manger et je ne peux pas faire d’économies
Jardins et abattis
*Je suis donc allé m’acheter une machette, ici on appelle ça un sabre, et une lime et j’y suis allé. J’ai commencé à travailler à 7 heures du matin, mais vers 9 heures je n’étais pas capable de continuer, car je n’avais pas l’habitude. Chez nous c’est avec une serpette ou une houe que l’on travaille. Le sabre, il faut être presque agenouillé par terre et à chaque coup de sabre c’est un morceau de peau du revers de ma main qui partait! J’ai appelé la dame vers 9 heures et je lui ai montré ma main. Je ne voulais pas continuer. Je me suis exprimé en anglais, car j’étais déjà passé par St-Martin. Elle m’a payé quand même.
*Les Haïtiens travaillent surtout pour le défrichement et pour la plantation. Une fois ces étapes faites on n’engage qu’un seul Haïtien à temps plein et on achète des journées pour le travail supplémentaire. Quand je travaillais dans un abattis, je rentrais à Cayenne pour une journée à chaque quinzaine pour acheter de la nourriture, car seulement la case nous était fournie.
*Sa femme fait un petit commerce, mais elle a beaucoup de problèmes. C’est surtout la police, car auparavant elle arrêtait beaucoup de gens au marché qui font le commerce. J’ai un petit abattis où je plante des bananes et j’aimerais pouvoir les vendre au marché. Il y a quelques clients qui viennent ici.
*En arrivant à Rochambeau, je suis allé habiter chez mon frère qui avait un logement fourni par la rhumerie Prévost. J’ai commencé à travailler avec mon frère et après deux jours j’ai eu un emploi à la rhumerie. J’ai continué à habiter avec lui jusqu’à ce mon frère retourne en Haïti. La compagnie m’a laissé un bout de terrain pour que je puisse faire un petit jardin. De temps en temps je donne un petit quelque chose au patron, mais rien ne m’y oblige. J’ai ensuite fait de l’élevage de cochons sur ce terrain avec un glacis pour les laver. C’est plus rentable.
Forêt
*En ce qui concerne l’emploi, la chance compte, mais aussi la débrouillardise et travaille comme maçon sans problèmes. Ils sont sortis d’Haïti avec un métier dans leurs mains. Ces conditions-là pour Saint-Laurent sont impeccables, car ici le travail est dans la réparation de maison ou encore avec un sabre à la main. On peut aussi couper du bois en forêt soit par exemple pour couper les branches pour qu’elles ne nuisent pas aux fils électriques ou pour la route. Tu pars à 7 heures du matin en canot et tu arrives à 3 heures de l’après-midi. J’ai travaillé un mois là-bas vers Sinnamary, ensuite je suis remonté par la brousse vers Saint-Laurent.
*Un employé de nationalité haïtienne, tout récemment embauché par une société assurant l’entretien des arbres en sous-traitance pour l’E.D.F., est décédé électrocuté alors qu’il procédait à l’élagage d’un arbre, route des Plages qui était âgées de 60 ans et habitant Cayenne, était monté dans un arbre et avait entrepris le nettoyage. Une branche a vraisemblablement chuté sur les fils électriques provoquant l’accident. » (F.G 10-87)
Tailleur
*Je n’ai pas réussi à trouver du travail. Ce n’est qu’avec ma machine à coudre que j’arrive un peu à manger. Je me suis informé pour trouver du travail comme tailleur ici, mais personne ne m’a répondu, car ici il faut être déclaré, il faut les papiers, etc. C’est là que j’ai commencé à faire des économies pour m’acheter une machine à coudre. Au fur et à mesure que je faisais des petits boulots outre que tailleur, j’ai commencé à me faire de la publicité et à me trouver des clients. En janvier dernier j’avais trouvé un boulot pour 3-4 mois dans la construction à 150F par jour, mais je n’ai fait que 5 jours, car ce n’était pas vraiment mon métier. Ce que je connais c’est d’être tailleur. En plus je n’ai pas encore été payé pour les cinq jours de travail! De la misère !
Borlette
La « borlette » est une loterie privée, organisée par des personnes qui peuvent recruter un support financier de diverses sources. Elle dépend des résultats de loteries officielles comme par exemple, de la loterie vénézuélienne qui diffuse ses résultats sur les ondes de la radio.
*J’ai décidé alors de me lancer dans mon « business » et ça marchait bien… bref je faisais la borlette. J’ai décidé de prendre cette voie, car cela me permettait d’être indépendant, de ne pas me faire exploiter par les autres et aussi ça me laissait du temps pour faire de la politique. Il faut dire que j’avais toutes les chances de mon côté à cette époque et que ma situation s’était bien améliorée. J’avais une auto, je voyageais à l’intérieur de la Guyane. Je vivais bien.
*J’avais plein d’Haïtiens qui travaillent dans la borlette, s’ils font ça c’est qu’ils n’ont pas d’autres choses à faire. Ceux qui vendent c’est parce qu’ils n’ont pas d’emploi. S’il est dans une situation irrégulière, il sait qu’il va se faire exploiter et sous-payer, il vaut mieux rester là et se faire 15-20F en vendant la borlette et ayant une commission sur les ventes.
Les Haïtiens sont un peuple qui vit dans un système de résignation perpétuel, quand il est exploité au lieu de faire des revendications, car il a peur d’être mis à la porte ou expulser, il ne fait rien. C’est ainsi que tous les patrons trouvent une garantie de tranquillité à cause de leur résignation.
*Par exemple, dans la borlette je constate que les gens au début qui pouvait vendre 100-200F par jour de borlette et avec qui je faisais affaire se partageaient le travail avec des copains, par entraide. Ils vendent beaucoup plus ainsi et se partagent entre eux les commissions. Dans tout ça moi je gagne plus, mais en réalité je ne fais affaire qu’avec un seul. Je ferme les yeux sur ça.
La borlette c’était comme « une « société ».
J’engageais du monde partout à Saint-Laurent, à Cayenne, à, etc. Je leur donnais un « salaire », la seule chose que je ne faisais pas c’était de payer la sécurité sociale. Je pense qu’à l’époque c’était une bonne chose, car peu de personnes pouvaient se trouver du travail. Mais j’ai connu des hauts et des bas.
*Je n’ai pas de métier, je ne travaille pas. Je vends de la borlette. À Cayenne il y a beaucoup de patrons de borlette mais ça ne vend pas tellement maintenant, car les gens ne jouent qu’une seule boule. Les gens ne sont presque plus intéressés à acheter pour trois boules. Moi je vends pour quelqu’un d’autre et ça me donne 15%. Anciennement je pouvais vendre pour 2000F/jour, mais maintenant j’ai de la difficulté à vendre pour 500F/jour. On ne tire qu’une seule maintenant quatre fois par semaine. Les gens ont peur, car les chances de gagner avec une seule boule sur 99 chiffres sont trop minces. Si tu mises 10 F sur une boule et que tu gagnes, on te donne 600F , mais les gens ont peur. Même si tu rêves ça ne sert à rien, si tu ne peux pas gagner. Je rêve, mais ça ne sort pas! En Haïti on peut faire affaire avec le « quimbois », mais pas ici.
*Les Guyanais achètent beaucoup de boules de borlette, peut-être même plus que les Haïtiens.
*C’était une époque assez chaude, car il y avait eu l’assassinat de Matoury. Le parti socialiste a fait une manifestation dans les rues. Il y a eu la motion du parti socialiste qui était très dure envers les étrangers. Il y avait même une tentative de milice en Guyane qui ne visait pas spécifiquement les immigrants, mais les délinquants, les voleurs, les gens qui attaquaient et tuaient… On a un rapport de la cour du tribunal qui mentionne noir sur blanc. Heureusement que la communauté haïtienne ne pose pas de problème à ce niveau. Mais il est certain que lorsque l’on parle des étrangers, on se sent concerné. Il y a d’ailleurs eu une répression contre la borlette et aussi des problèmes à Sinnamary à cause de la borlette. La borlette est une source de problèmes et de conflits. Il y a aussi beaucoup de Guyanais qui jouent à la borlette, de ce côté, il n’y a pas de problèmes!
Marchands de sommeil
Les « marchands de sommeil » sont des entrepreneurs qui gagnent leur vie en louant des habitations aux immigrants. Quelques Haïtiens en possèdent quelques-unes.
*…sur un terrain qui appartient à une Guadeloupéenne. C’est un copain avec qui il habitait sur le terrain qui l’a introduit pour ce travail de débroussaillage et de construction de cases pour louer des maisons à 8 familles. Le compteur d’eau et d’électricité est dans sa maison. La dame elle est d’accord pour que je fasse ça, mais elle ne veut pas que j’installe beaucoup de personnes. Je ne les installe pas définitivement, même moi ce n’est pas définitif ! Quand je partirai, je vais donner toutes ces petites maisons à la dame. Elle ne me demande rien en retour, elle ne me persécute pas sur ça, c’est moi qui quelque chose quand je ramasse l’argent chaque mois. De toute façon, je continue à travailler pour elle, car j’entretiens le terrain ici et aussi d’autres qu’elle possède.
Conditions de Travail et syndicats
Le travailleur immigrant risque de ne pas recevoir le salaire minimum légal et même de ne toucher aucun salaire et même, de recevoir des baffes. La protection syndicale est difficile à obtenir et la participation manque d’engagement.
*Vous savez ici, parce que l’on est étranger, il y a des droits qu’on a pas. En fait, on les a, mais c’est un droit de réclamation qui est hypocrite. Ici le SMIG est de 26F de l’heure, mais en général si tu es Haïtien, même souvent dans une grande entreprise, tu ne touches que 21-22-23F. Tu es obligé d’accepter ça si tu veux l’emploi.
De façon générale pour les grandes sociétés c’est pas mal, mais si tu travailles pour un petit artisan, c’est là que tu te fais arnaquer.
Il te paye à la journée 150 F, sans compter les heures ou à la tâche. À la journée, il te paye à la fin du mois. S’il ne te paye pas, la seule chose qui te reste à faire c’est de lui donner un coup de poing, mais ce n’est pas ce qui va te donner l’argent!
Si tu as un papier quelconque, tu peux entreprendre des démarches qui vont durer des semaines (Conseil Prud’homme). Tout ça, c’est tellement long qu’en général tu vas laisser tomber. Si tu fais des menaces à l’artisan, si tu lui casses la gueule, il faut que tu considères que cela est ton salaire ! Je connais des artisans qui se sont fait casser la gueule souvent, mais qui continuent à ne pas payer.
*J’ai déménagé les affaires avec lui, mais il a eu un accident. C’est arrivé un mois après notre arrivée, on l’a transporté à l’hôpital et le soir même il est mort. Il me devait un mois de salaire. Le gars était tout seul ici. Un de ses camarades m’a dit qu’il me paierait après avoir téléphoné en France et après avoir contacté des gens qui étaient supposés de venir ici. Jusqu’à maintenant je n’ai vu personne ! Son camarade était son associé, car c’est lui qui possédait les machines, mais jusqu’à maintenant je n’ai rien touché.
*Tout ce qui est le plus mal, c’est surtout là-dedans que nous sommes. Les compagnies, les particuliers, tous ils bénéficient du travail des Haïtiens. Ils engagent quatre Haïtiens pour le salaire d’un seul Guyanais. À quatre le travail se fait très vite et ils en bénéficient. De toute façon s’ils devaient nous payer correctement ils ne nous engageraient pas. Si nous partions et qu’ils devaient payer les gens le salaire réglementaire, il y aurait du désordre.
*Si un Haïtien travaille et qu’il n’est pas payé, il ne va pas faire de désordre.
Il va remettre ça dans les mains du Bon Dieu.
Les Haïtiens parlent toujours du Bon D1eu, les blancs n’en parlent jamais ! Ce qui fait ça c’est que les Haïtiens sont dans le malheur.
*S’ils ne sont pas payés, ils peuvent toujours avoir recours à la justice tandis que nous si nous allons à la police, ils nous demandent nos papiers. Si tu es sans papiers, ils te virent. Tu te dis finalement que si sur 10 boulots que tu fais, il y en a 5 qui te sont payés, ce n’est pas si mal. Tu finis par considérer ça pas mal. Ici, il y a des gens qui ont monté de grosses entreprises en ne payant pas les Haïtiens nous partons tous, ils deviendront pauvres, car plus personnes ne leur fera de cadeaux.
*Ce qu’il faut, c’est trouver un patron qui te paye bien, car pour les réclamations, on te traîne de rendez-vous en rendez-vous, de bureaux du Conseil Prud’Homme à bureaux, de personnes à personnes pour finalement vous dire que le bureau qui s’occupe de ça est en France !
Qui est-ce qui va écrire en France ? (rires)
*Je travaille pour la même personne depuis 4 ans, mais jamais je ne touche la totalité de mon salaire d’un seul coup. Le Guyanais gagne 280-300F par jour tandis que l’Haïtien doit se contenter de 200F.
*On donne des baffes aux Haïtiens et les syndicats ne veulent pas d’Haïtiens. De plus si tu es syndiqué, on ne te donne pas de travail. Ceux qui payent le plus facilement ce sont les Chinois, car ils te versent une première traite avant de commencer le travail.
*Après deux mois nous n’étions toujours pas payés. J’ai réuni les gens et leur ai fait comprendre qu’il faut exiger d’être payé. Quand l’artisan est arrivé, il était avec un blanc. On les a amenés dans une salle pour discuter avec eux. Une fois dans la salle, on leur dit qu’ils ne sortiront pas tant que nous ne serions pas payés. On gueule, il y a des menaces, etc. Le gars blanc a téléphoné sous nos yeux à Nord-France. Nous, de notre côté, nous avons téléphoné aux quatre syndicats. L’après-midi, l’U.T.G. était sur les lieux et le gars de Nord-France nous a payé lui-même les deux mois de salaire.
Le syndicat a forcé l’artisan à nous donner une carte de travail. C’est ainsi qu’après des démarches de 22 jours tout le monde a reçu sa carte de travail et tous les autres papiers par après assez facilement.
*À Cayenne, il y a plus de possibilités pour le travail. Ici à Sinnamary, il n’y a rien. S’il y en a les patrons te payent ce qu’ils veulent, car tu es sans-papiers.
*Quand l’on te dit que tu travailles avec une personne en réalité tu travailles pour cette personne, et ce même dans les grandes entreprises. Tu fais son travail en plus du tien, et ce, même sur l’heure du midi. Tous les blancs, les Guyanais et les Martiniquais partent pour le lunch et ils te disent de faire ça ou ça…
Pendant que tu travailles beaucoup comme ça tu travailles pour enrichir le pays, car tu payes toutes sortes de choses que tu ne peux pas récupérer.
Si j’étais en Haïti au moins tout ça resterait pour le pays parce qu’ici il faudra s’en aller un jour et laisser tout ce que l’on à Rochambeau. Quand tu dois partir, on prend ton argent et tu ne repars avec rien. La loi limite à 5,000 F ce que tu peux ramener avec toi, dernièrement ils ont mis ça à 12,000F …
*Ce n’est pas une question d’intelligence ou d’analphabétisme … C’est le système des artisans qui est comme ça. Travailler pour un artisan ça implique que tu prends le risque de ne pas être payé.
*Tu es en bas de la chaîne c‘est toi qui es le moins bien payé et qui en souffres ! Même si l’artisan est honnête, s’il se fait avoir, il va essayer de redistribuer tant bien que mal ce qu’il a reçu. Comme tu es Haïtien, il te donne des tapes dans le dos et essaie d’arranger ça, mais ce n’est pas ça qui te fait avoir ton argent.
*Je n’ai jamais eu de problème de ce côté, car je travaille pour la même entreprise depuis 8 ans. Mon seul problème c’est que je n’ai jamais d’augmentation et on m’oublie de temps en temps lorsqu’il s’agit de payer les employés, Il faut que j’aille gueuler. J’ai même pris l’habitude de surveiller les salaires des autres Haïtiens, car il y en a qui n’osent pas réclamer. C’est la même chose pour les papiers, plusieurs n’osent pas réclamer. Je surveille que la déclaration est vraiment faite, car ils te disent qu’ils te déclarent et ils ne le font pas. Il ne faut pas avoir peur sinon tu n’obtiens rien. Dans ces conditions pourquoi les travailleurs haïtiens ne participent-ils pas plus aux organismes de défenses des droits des travailleurs ?
*Il y a un syndicat qui a demandé à tous les Haïtiens qui travaillent de venir chercher leur carte, car ils pourront s’impliquer dans le milieu syndical. Mais il y a un problème, car tous les Haïtiens réguliers qui travaillent ont leur carte, on leur a souvent demandé de suivre des cours de formation syndicale, mais ils n’y vont pas. Ils sont passifs. Personnellement je n’en connais qu’un seul, mais il est parti en métropole, car ici on l’emmerdait trop à cause de ses actions syndicales. Ceux qui payent le plus facilement ce sont les Chinois, car ils te versent une première traite avant de commencer le travail. Ceux qui ont le droit d’être syndiqués ne se sont pas prévalus de la carte de peur de ne pas être capables de trouver d’emploi à cause de cette carte si jamais le patron le savait. Il y en a bien sûr ceux qui connaissent leurs droits, mais ils ne font rien, pas de formation, rien… L’Haïtien n’est pas impliqué à ce niveau-là.
Une réflexion sur “Travail, chômage et qualifications professionnelles”