
*Vous savez ici, parce qu’on est étranger, il y a des droits qu’on a pas.
En fait, on les a, mais c’est un droit de réclamation qui est hypocrite. Ici le SMIG est de 26F de l’heure, mais en général, si tu es Haïtien, même, souvent dans une grande entreprise, tu ne touches que 21-22-23F. Tu es obligé d’accepter ça si tu veux l’emploi.
*De façon générale pour les grandes sociétés c’est pas mal, mais si tu travailles pour un petit artisan, c’est là que tu te fais arnaquer. Il te paye à la journée 150F, sans compter les heures ou à la tâche. À la journée, il te paye à la fin du mois.
S’il ne te paye pas, la seule chose qui te reste à faire c’est de lui donner un coup de poing, mais ce n’est pas ce qui va te donner l’argent!
Si tu as un papier quelconque, tu peux entreprendre des démarches qui vont durer des semaines (Conseil Prud’homme). Tout ça, c’est tellement long qu’en général, tu vas laisser tomber. Si tu fais des menaces à l’artisan, si tu lui casses la gueule, il faut que tu considères que cela est ton salaire ! Je connais des artisans qui se sont fait casser la gueule souvent, mais qui continuent à ne pas payer.
*J’ai déménagé les affaires avec lui, mais il a eu un accident. C’est arrivé un mois après notre arrivée, on l’a transporté à l’hôpital et le soir même il est mort. Il me devait un mois de salaire. Le gars était tout seul ici. Un de ses camarades m’a dit qu’il me paierait après avoir téléphoné en France et avoir contacté des gens qui étaient supposés venir ici. Jusqu’à maintenant je n’ai vu personne ! Son camarade était son associé, car c’est lui qui possédait les machines, mais jusqu’à maintenant je n’ai rien touché.
*Tout ce qui est le plus mal, c’est surtout là-dedans que nous sommes.
Les compagnies, les particuliers, tous ils bénéficient du travail des Haïtiens. Ils engagent quatre Haïtiens pour le salaire d’un seul Guyanais. À quatre le travail se fait très vite et ils en bénéficient. De toute façon s’ils devaient nous payer correctement ils ne nous engageraient pas. Si nous partions et qu’ils devaient payer les gens le salaire réglementaire, il y aurait du désordre.
*Si un Haïtien travaille et qu’il n’est pas payé, il ne va pas faire de désordre. Il va remettre ça dans les mains du Bon Dieu.
Les Haïtiens parlent toujours du Bon Dieu, les blancs n’en parlent jamais ! Ce qui fait ça c’est que les Haïtiens sont dans le malheur.
*S’ils ne sont pas payés, ils peuvent toujours avoir recours à la justice tandis que nous si nous allons à la police, ils nous demandent nos papiers. Si tu es sans papiers, ils te virent.
Tu te dis finalement que si sur 10 boulots que tu fais, il y en a 5 qui te sont payés, ce n’est pas si mal. Tu finis par considérer ça pas mal. Ici, il y a des gens qui ont monté de grosses entreprises en ne payant pas les Haïtiens nous partons tous, ils deviendront pauvres, car plus personnes ne leur fera de cadeaux.
*Ce qu’il faut, c’est trouver un patron qui te paye bien, car pour les réclamations, on te traîne de rendez-vous en rendez-vous, de bureaux du Conseil Prud’Homme à bureaux, de personnes à personnes pour finalement vous dire que le bureau qui s’occupe de ça est en France ! Qui est-ce qui va écrire en France ? (rires)
Je travaille pour la même personne depuis 4 ans, mais jamais je ne touche la totalité de mon salaire d’un seul coup. Le Guyanais gagne 280-300F par jour tandis que l’Haïtien doit se contenter de 200F.
* Les syndicats ne veulent pas d’Haïtiens. De plus si tu es syndiqué, on ne te donne pas de travail.
Ceux qui payent le plus facilement ce sont les Chinois, car ils te versent une première traite avant de commencer le travail.
*Après deux mois nous n’étions toujours pas payés. J’ai réuni les gens et leur ai fait comprendre qu’il faut exiger d’être payé. Quand l’artisan est arrivé, il était avec un blanc. On les a amenés dans une salle pour discuter avec eux. Une fois dans la salle, on leur dit qu’ils ne sortiront pas tant que nous ne serions pas payés. On gueule, il y a des menaces, etc. Le gars blanc a téléphoné sous nos yeux à Nord-France. Nous, de notre côté, nous avons téléphoné aux quatre syndicats.
L’après-midi, l’U.T.G. était sur les lieux et le gars de Nord-France nous a payé lui-même les deux mois de salaire. Le syndicat a forcé l’artisan à nous donner une carte de travail. C’est ainsi qu’après des démarches de 22 jours tout le monde a reçu sa carte de travail et tous les autres papiers par après assez facilement.
*À Cayenne, il y a plus de possibilités pour le travail. Ici à Sinnamary, il n’y a rien. S’il y en a les patrons te payent ce qu’ils veulent, car tu es sans-papiers.
*Quand l’on te dit que tu travailles avec une personne en réalité tu travailles pour cette personne, et ce même dans les grandes entreprises.
Tu fais son travail en plus du tien, et ce, même sur l’heure du midi. Tous les blancs, les Guyanais et les Martiniquais partent pour le lunch et ils te disent de faire ça ou ça...
Pendant que tu travailles beaucoup comme ça, tu travailles pour enrichir le pays, car tu payes toutes sortes de choses que tu ne peux pas récupérer. Si j’étais en Haïti au moins tout ça resterait pour le pays parce qu’ici, il faudra s’en aller un jour et laisser tout ce que l’on à Rochambeau. Quand tu dois partir, on prend ton argent et tu ne repars avec rien. La loi limite à 5,000 F ce que tu peux ramener avec toi, dernièrement ils ont mis ça à 12,000F …
*Ce n’est pas une question d’intelligence ou d’analphabétisme … C’est le système des artisans qui est comme ça. Travailler pour un artisan ça implique que tu prends le risque de ne pas être payé.
*Tu es en bas de la chaîne c’est toi qui es le moins bien payé et qui en souffres !
Même si l’artisan est honnête, s’il se fait avoir, il va essayer de redistribuer tant bien que mal ce qu’il a reçu. Comme tu es Haïtien, il te donne des tapes dans le dos et essaie d’arranger ça, mais ce n’est pas ça qui te fait avoir ton argent.
*Je n’ai jamais eu de problème de ce côté, car je travaille pour la même entreprise depuis 8 ans. Mon seul problème c’est que je n’ai jamais d’augmentation et on m’oublie de temps en temps lorsqu’il s’agit de payer les employés, Il faut que j’aille gueuler. J’ai même pris l’habitude de surveiller les salaires des autres Haïtiens, car il y en a qui n’osent pas réclamer. C’est la même chose pour les papiers, plusieurs n’osent pas réclamer. Je surveille que la déclaration est vraiment faite, car ils te disent qu’ils te déclarent et ils ne le font pas. Il ne faut pas avoir peur sinon tu n’obtiens rien. Dans ces conditions pourquoi les travailleurs haïtiens ne participent-ils pas plus aux organismes de défenses des droits des travailleurs ?
*Il y a un syndicat qui a demandé à tous les Haïtiens qui travaillent de venir chercher leur carte, car ils pourront s’impliquer dans le milieu syndical. Mais il y a un problème, car tous les Haïtiens réguliers qui travaillent ont leur carte, on leur a souvent demandé de suivre des cours de formation syndicale, mais ils n’y vont pas.
Ils sont passifs.
Personnellement je n’en connais qu’un seul, mais il est parti en métropole, car ici on l’emmerdait trop à cause de ses actions syndicales. Ceux qui payent le plus facilement ce sont les Chinois, car ils te versent une première traite avant de commencer le travail. Ceux qui ont le droit d’être syndiqués ne se sont pas prévalus de la carte de peur de ne pas être capables de trouver d’emploi à cause de cette carte si jamais le patron le savait. Il y en a bien sûr ceux qui connaissent leurs droits, mais ils ne font rien, pas de formation, rien… L’Haïtien n’est pas impliqué à ce niveau-là.
Travail et Sécurité sociale
La question de la Sécurité Sociale se trouve au centre du débat concernant les relations de travail entre employeurs et immigrants. Tout employeur doit remettre à la Caisse de la S.S., une part du salaire d’un employé et y ajouter une cotisation. L’emploi d’immigrants clandestins permet justement à l’employeur d’épargner ces cotisations et même, dans certains cas, de garder la part de l’employé. Les pertes d’emplois sont souvent vues comme un moyen utilisé par l’employeur pour éviter les cotisations.
*Ce n’est pas moi qui a quitté la société, car si tu as des papiers, le plus longtemps que tu peux travailler pour eux, c’est 6 mois. Après ils te congédient, car ils ne veulent pas que tu accumules de l’ancienneté pour la sécurité sociale. Ils peuvent te reprendre pour un autre 6 mois, mais après ils te congédient encore. C’est comme ça!
*J’arrive à Cayenne et j’ai l’emploi chez un contracteur qui a des contrats avec les P.T.T. pour l’installation de lignes téléphoniques. Le gars ne voulait pas m’inscrire à la sécurité sociale même si chaque mois, il faisait les prélèvements sur mon salaire. Quand il a été forcé de nous déclarer, il nous a demandé 2,000F finalement déclarés. Je conserve encore le reçu au cas où il voudrait me jouer un sale tour. J’ai même été vérifier à la Sécurité sociale pour voir si tout était en règle. Quelques semaines plus tard j’ai reçu ma carte. Quelques semaines plus tard, il m’a congédié. Je n’ai plus eu de boulot stable depuis ce temps. Je travaille comme ci comme ça, mais je ne suis jamais arrêté plus de 1 mois. J’ai des petits boulots dans la construction, mais souvent si ce n’était pas de l’aide des copains ou de mon frère, je ne réussirais pas à joindre les deux bouts.
*Quand je travaillais pour la société de construction, même si c’était une grande société légale, tu ne pouvais travailler pour cette société si tu avais des papiers. Elle ne voulait pas payer les « lois » de l’État. Il faut que tu n’aies pas de papiers, car ils peuvent te payer moins.
*En fait, des employeurs retirent de la paie des montants soi-disant pour les avantages sociaux qui ne sont en fait qu’une extorsion.
*J’ai travaillé pour une femme blanche. Je travaille de 7 h 30 à 3h00. Après 6 mois qu’elle retire l’argent de la sécurité sociale, je suis allée chercher des papiers de S.S.. Elle n’avait pas laissé assez d’argent pour moi, elle n’avait déclaré que deux heures de travail par jour. Je leur ai expliqué que j’avais 5 petits. Ils m’ont demandé quelles heures j’ai travaillé, quels étaient les travaux… J’ai reçu une lettre de la S.S., madame voulait la voir. Ils sont venus faire enquête et ont fait payer la femme. Après 2 mois, elle m’a foutue à la porte et pourtant j’ai toujours bien travaillé. Pourquoi tout ça ? »
Revenus et Budgets
Combien gagnent les Haïtiens ? Quel est le revenu moyen et quelles sont leurs dépenses ? Quel est leur budget mensuel ?
Les montants touchés varient selon qu’il s’agit d’un job ou d’un travail plus stable. Par exemple, le « ménage » dans le garage d’un concessionnaire automobile rapporte 1 ,000 F par mois alors qu’un travail de 4 heures par jour peut rapporter 2,000 F. par mois et un emploi à temps plein peut rapporter 4,000 F par mois.
*Quand je suis arrivé en Guyane, j’avais trouvé un job à Mana, mais après neuf jours nous avons été révoqués. Le patron nous battait et l’argent était trop petit. Il nous payait 60 F par jour pour les nouveaux, les anciens haïtiens étaient payés 70 F par jour C’était pour travailler dans les tomates. Il y avait aussi des Indiens, tout le monde était payé le même montant sauf celui qui travaillait sur le tracteur, il était payé le plus cher. Ça faisait peut-être 1,500 F. par mois. C’est après ça que je suis venu à Cayenne pour faire de la borlette. Ça, c’était en 1984, maintenant les ouvriers là-bas sont payés 170/jour. Ils peuvent acheter un sac de riz pour 100 F et ils se débrouillent avec ça.
*J’avais des responsabilités en Haïti et la vie était chère ici, j’ai donc demandé une augmentation à 1,300 F/mois. Le patron m’a dit de m’en aller si je n’étais pas satisfait avec 1000 F./mois. J’ai quitté mes 1000 francs par mois ce n’est rien, c’est comme se laver les mains et de s’essuyer à terre ! A l’époque ça ne faisait même pas 100 $. Il ne me payait pas beaucoup, mais par contre c’est lui qui m’a fait avoir tous mes papiers pour la Guyane.
Une approximation des budgets des groupes domestiques peut-être reconstruite à l’aide d’informations recueillies sur des budgets calculés pour une période d’un mois. Il appert que les revenus varient d’un maximum de 4,500 F par mois pour les plus fortunés à 1,500 F pour les moins fortunés. Ces revenus permettent à peine de survivre même si certains profitent de rentrées exceptionnelles pour acheter des biens électroménagers.
*Je gagne 4,300-4,500 F. après avoir payé la sécurité sociale. Ce n’est pas mal, il y en a qui gagne moins que ça. Même moi j’ai de la difficulté à arriver avec mon salaire, car il faut que je mange au restaurant, que je paye le loyer, que j’envoie de l’argent en Haïti, j’ai ma mère et la mère de mon enfant, j’ai aussi ma fiancée.
*Nous gagnons ensemble, les deux, 3,000 F, mais je peux passer deux trois mois sans rien faire je ne fais plus de Jobs je travaille à la journée. Pour de la maçonnerie, il me donne 2,500 F ou 3 ,000 F et si ma femme gagne 1 ,000 F cela fait 4,000F. En août, le loyer a coûté 350 F, la nourriture 400 F, la garderie 300 F, il faut acheter la nourriture de 25 F 50 pour le lait, je mets 300 F pour dépenser cela ne suffit pas pour le mois et 1 ,500 F pour électricité et l’eau
*Mes enfants ont toujours mangé. Je donne à ma femme 1,500F, 1,000 F pour manger et pour faire des économies et avec ce qu’elle touche d’allocations familiales, 1,200F chaque mois je paye le loyer 800 F. J’ai fait la réparation de la maison j’ai acheté des feuilles de tôles 1,000F. 1,100F suffisent pour le mois, on peut acheter une caisse de dinde, 2-3 poulets, du sel des haricots…
*Les rentrées de 3 ,000 F : pension alimentaire d’un enfant 850 F, remboursement de l’accouchement de la D.A.S.S. 1 ,165 F, remboursement d’une dette de 1,000 F, petits boulots, le reste, 100 $ US. S reçut du père de la petite (une enfant dont le père est à Miami). Elle a perdu l’allocation familiale parce qu’elle vit en concubinage. Les dépenses : Loyer 120 F, 200 F. pour un réchaud à l’électricité, 2 ,000 F, Moulinex 200 F, envoie à la mère en Haïti, 40 $ US, le reste pour nourriture, l’école. La maman de ma femme qui est ici nous aide pour la nourriture , elle est avec un Guyanais.
Parfois nous menons un train de vie moyen et à la fin du mois nous vivons comme des pauvres.
*Rentrées de 1,700 F, allocation familiale, chômage et petits jobs. Dépenses : nourriture 1 ,500 F, loyer 500 F, électricité, eau et téléphone 1 ,000 F, dépôt en banque de 2 ,000 F. Actuellement je touche 3 ,500-3,600 F, avec cet argent j’arrive à vivre avec madame et mes enfants. Pour la maison je paye 500 F, ma femme touche 2 ,000 F comme allocations, elle travaillait dans la charcuterie pour3 ,500 F par mois.
Parmi les dépenses, les investissements dans le jeu de la borlette comptent pour une certaine part.
Certains individus risquent plus que d’autres-30 ou 50 F et si elle n’est pas sortie tant pis, si elle est sortie, tant mieux. Je perds 200 F par mois à le borlette.
Une réflexion sur “15 Conditions de Travail et Revenus”