Déséquilibre démographique entre les sexes
Les rapports hommes-femmes chez les Haïtien.nes sont marqués par la disparité démographique qui agit en tant que contrainte majeure dans leurs rapports.
En 1982, il y avait 62,8% d’hommes pour 37,2% de femmes selon l’INSEE soit deux fois plus d’hommes que de femmes.
Même si la situation s’est ensuite améliorée, passant à 39% en 1985, le déséquilibre entre les sexes rendait difficile la possibilité de reproduire en Guyane, le mode de rapports femmes hommes qui existait en Haïti.
Différentes solutions sociologiques furent adoptées pour combler ce déficit démographique.
« Se dégager » ensemble : alliances femmes-hommes
Le choix des partenaires revient finalement aux femmes qui sont très sollicitées et le critère de base est l’aide qu’elles peuvent recevoir d’un homme bien que la majorité des hommes soient en général aussi pauvres les uns que les autres, des critères relevant de leurs attitudes jouent beaucoup.
La rareté des partenaires féminines accessibles confère donc à celles-ci une marge de manœuvre qu’elles n’auraient probablement pas autrement.
Le thème de la diversité des partenaires est abordé par les hommes avec une certaine sobriété, car ils ont conscience du drame vécu par tous et toutes et cela ne favorise pas la légèreté des propos. De plus, plusieurs hommes ont la nette impression de se faire manipuler par les femmes et d’échouer dans leurs tentatives de contrôle, ce dont on ne se vante certainement pas.
Les femmes parlent de la question des rapports aux hommes de façon franche et directe, mais elles sont cependant plus avares de détails concernant leur comportement et celui des autres femmes, le respect de l’intimité et de la réputation étant une valeur culturelle qui semble fortement ancrée dans l’éthos haïtien.
En Guyane, les alliances haïtiennes apparaissent comme des stratégies de survie visant à agencer les dimensions affectives, sexuelles, financières et sociales des rapports hommes-femmes.
La question fondamentale qui a dû être résolue est comment harmoniser les relations humaines dans un tel contexte de rareté d’argent où l’entraide devient le principal moyen d’adaptation ?
Les femmes voient trois possibilités
1) vivre maritalement en couple avec un haïtien ou un non haïtien ;
2) vivre seule et recevoir des partenaires
3) vivre avec un homme et recevoir d’autres partenaires.
Les deuxième et troisième possibilités stratégiques consistent à élargir le réseau des hommes de façon à maximiser les revenus et l’aide de ces partenaires. Les femmes admettant généralement qu’elles prennent des hommes surtout pour se faire aider à subvenir à leurs besoins et inversement, les hommes aussi.
Djalisme, plaçage et dote
Cette pratique du réseau d’alliance élargie a un nom : le « Djalisme » et semble être devenue une institution dans le contexte guyanais qui diffère de la prostitution, quoique plusieurs personnes aient rapproché les deux types de rapports.
À l’origine, « Djal » signifiait « amie », dans le sens de « girl-friend » et cette relation diffère de celles nommées « mennaj » ou de « boubout ». La « djal » diffère de « mennaj » qui a une forte présomption de chasteté des relations amoureuses alors que « djal « et « boubout », ne fixent pas de telles limites de principe dans les rapports interpersonnels.
Le mot dénote tant les femmes que la relation elle-même et, parfois, certaines femmes réfèrent à homme par le même terme, djal.
En Guyane, le « Djalisme » est un type particulier de rapport de sigisbéisme (amant, cavalier ou soupirant) prenant la forme d’une entente sexuelle, économique et sociale.
Alors que la prostitution est vue comme un paiement d’un homme contre un«petit moment» avec une femme, le djalisme est un contrat informel payé par des mensualités incluant des travaux domestiques autant que des rencontres sexuelles.
Mon ami Maximilien Laroche, professeur à Laval, suggérait que « DJAL » vient de l’anglais « girl», un mot vraisemblablement introduit en Haïti, au moment de l’occupation du pays par les Etats-Unis. (Le terme est utilisé dans des chansons de Zo Salnave, chanteur-compositeur originaire du Cap-Haïtien)
(Tradition et novation dans la littérature en haïtien Maximilien Laroche Caraïbes Volume 8, numéro 2, 1984 URI id.erudit.org/iderudit/006200a
En Haïti, je vivais avec un homme sans reproche. En Guyane, vu les conditions exécrables d’existence j’ai dû prendre un homme pour m’aider. Lui aussi est mal payé. (F., 38 ans)
Elles sont obligées de prendre un homme pour les aider et parfois elles sont mal tombées. (F., 30 ans)
En Guyane, les femmes font fructifier le petit carreau (unité de surface agricole) que le Bon Dieu leur a donné (H.).
D’une façon générale, les couples haïtiens en Guyane sont unis « consensuellement » ce qui ne diffère pas en fait des couples paysans en Haïti même. Toutefois, l’alliance coutumière dite de « plaçage » ou le statut de «fem nan kay», femme-maison, femme installée) que l’on retrouve en Haïti n’aurait pas en Guyane la nature formelle qu’il avait dans les communautés d’origine où la sanction parentale et du voisinage joue un rôle important.
En Guyane, les décisions individuelles ne sont pas sous contrôle parental et comme la situation est à peu près la même pour tous et toutes il n’y a pas de sanctions communautaires sur le comportement des femmes.
Les témoignages indiquent que les ententes se font rapidement et directement. La décision de se mettre à deux n’attend pas le déploiement d’une cour élaborée de l’homme, mais résulte plutôt du constat que ce serait peut-être plus facile de se « dégager » (se tirer d’affaire) à deux.
Cependant, lorsqu’une jeune fille habite chez ses parents, ceux-ci exercent encore un contrôle qui, parfois, cela semble spécifique à la Guyane, exige une « caution » ou comme certains le disent :
« En Guyane, ils ont inventé la dote ».
- Quand elle est arrivée en Guyane, elle logeait chez sa tante. Chaque fois que je passais tout près je voyais « mamzelle ». J’étais content (amoureux) d’elle. Je la vois un peu timide dans les yeux. Depuis 5 ans que j’étais en Guyane, je n’avais pas de Madame (femme à la maison). Depuis, cela fait plus de 2 ans que je vis en chambre avec elle. Tous les après-midis chez sa tante j’allais parler avec elle. Elle me dit d’aller trouver sa tante. J’ai mis la tante au courant. Nous sommes tombés d’accord. Elle ne voulait pas de contact avec moi sans que sa tante soit au courant. Elle dit que je ne suis pas d’accord je n’ai qu‘à mettre toute la famille au courant et de ne pas compter sur elle. J’ai mis toute la famille au courant et j’ai vu que c’était une grande famille et qu’elle n’était pas n’importe quel genre de personne. La tante m’a dit qu’elle ne posait aucune condition. Sa maman n’a pas une bonne santé et qu’elle n’a pas besoin de vagabond pour venir fatiguer la petite fille et puis virer son dos. Elle a besoin d’une personne responsable et pour faire son éducation jusqu’à ce que le Bon Dieu dise que vous n’êtes plus capable. (H.)
- Je n’accepterais pas de payer une caution comme il le demande ici. Si vous payez la caution, vous pouvez faire ce que vous voulez. Si elle parle je pourrais dire que j’ai payé tout et qu’elle n’a rien à faire avec cela, quand je discute de mon affaire laissez-moi faire. Je ne mange rien de froid tout pâté que je vends c’est du pâté chaud. (H.)
En Haïti, pour vivre avec un garçon on peut être mariée ou placée, l’homme est responsable de tous les besoins. A Cayenne, s’il donne de l’argent, il faut être son esclave, il vous achète. S’il dit de ne pas faire ça, je ne fais pas cela. Sinon il vous bat, il prend un couteau. C’est un risque à prendre. (F., 32 ans)
Ces unions sont généralement relativement instables, de quelques mois à quelques années. Les couples doivent leur stabilité à une certaine détermination des femmes, car les sollicitations par les hommes sont nombreuses.
Je vis avec mon mari ici. Je lui dois du respect même s’il ne travaille pas. Même si je vois quelqu’un qui a une bonne situation me faire la cour « katar bizoton » je suis obligé de fermer les yeux. ( Katar bizoton : même si vous avez une grande plantation, cela ne me fait rien. Même si vous êtes riche m je n’accepte pas vos sollicitations. (F., 33 ans)
Les conflits interpersonnels,
Le « bouder-bouche », les « comptes » sont normaux, comme les « dents qui mordent parfois la langue ».
C’est une femme que j’ai rencontrée hasard. Tout de suite nous nous mettons d’accord. Nous vivons un an et demi ensemble. Je pouvais vivre définitivement avec elle malgré mon budget restreint. Quand nous avions un petit problème nous essayons toujours de le résoudre. Je lui ai toujours donné de l’argent pour envoyer à ses parents.
Quand, dans une maison il n’y a pas d’ennuis, de maladie, il y a la joie. Le seul ennui vient des voisins avec lesquels nous habitons une même maison. Les femmes s’engueulent, se racontent les secrets et puis au bout d’un moment, il y a tripotage, injures. ( H)
Cependant, la jalousie peut parfois engendrer des effets d’ensorcellement repérables.
Un jour en revenant d’un match de football nous avions pu remarquer s‘étendre une traînée de poudre dans toute la salle. Quand j’ai pris le temps de bien regarder, je me suis aperçue que ce sont des grains de poivre moulu qu’on avait semés à travers la chambre. Je n’ai pas donné assez d’importance à ça. J’ai balayé, je l’ai ramassé et jeté dehors. Et puis nous nous mettons au lit vers 10 heures du soir. Trente minutes après cela, j’avais les yeux lourds de sommeil quand j’ai aperçu la lampe allumée, les portes grandes ouvertes. Je me suis réveillée soudain. Une maladie s’était emparée d’elle, (ma femme) comme une folie. Je ne savais pas quoi faire. Je l’ai amenée chez son oncle qui a tout fait ce qu’il peut et il l’a calmée. (H.).
Division sexuelle du travail
La redéfinition de la division sexuelle du travail n’est pas ici un enjeu majeur bien que quelques femmes aient mentionné la « gentillesse » de leur partenaire qui les aidait parfois à la vaisselle ou à la cuisine surtout lorsqu‘elles sont malades.
- Si je vous le dis vous penserez que je mens il faut que ce soit-elle qui le dise. Nous servons comme deux adultes et comme deux enfants. (on prend soin de nous-mêmes comme avec des enfants) En son absence, je peux balayer, nettoyer, faire la vaisselle. Je fais tout ce qui est nécessaire. Elle aussi, elle prépare à manger.
- En Haïti c’est différent, quand on a une femme, on a aussi quelqu’un qui nous aide…un enfant qui peut tout faire dans la maison. En Guyane quand la femme sort du travail à 2 h 00 (après 7 hres de travail) elle est très fatiguée, si vous êtes là vous devez préparer à manger, faire tout. Quand je n’ai pas le temps, je n’ai pas le temps, quand j’ai le temps, je fais tout. (H.).
- Je prends le travail tous les jours à 6 heures du matin je ne peux rien faire à la maison. L’après-midi j’ai fait le « market ». Le samedi, comme c’est congé je l’aide à faire les choses à la maison. Quand il y a l’amour, il y a la joie. Quand elle est en train de faire quelque chose, on est prêt à l’aider. (H)
La situation pourrait-être différente si les femmes avaient du travail à temps plein, mais ici ce qui prime, c’est la possibilité pour elles non seulement de partager le coût de la vie courante, mais aussi d’assurer une plus grande régularité dans la prise en charge de leurs dépendants en Guyane et en Haïti. En fait, il s’agit là du critère discriminant au sein des alliances avec des partenaires haïtiens et non haïtiens.
Les relations avec les étrangers constituent aussi un des moyens de survie. Ces relations sont problématiques, car d’une part, elles offrent des avantages de survie individuelle, mais, d’autre part, elles produisent une sorte de marginalisation par rapport au réseau familial.
- Son oncle l’a fait venir. Elle était avec sa sœur quand un Guadeloupéen lui a demandé combien pour coucher avec lui. Elle répondit 500 F. Il trouva que c’était trop. Il demanda à sa sœur qui répondit qu’il pouvait donner ce qu’il voudra. Depuis ils sont ensemble et ont deux enfants de 4 et 2 ans. Elle a ses papiers et n’a jamais été obligée de travailler à l’extérieur. Le Guadeloupéen ne réside pas dans la même maison qu’elle. (F.)
- Je vivais avec un Guyanais que j’ai dû abandonner parce qu’il ne voulait pas entendre parler de mes enfants. Je vis maintenant avec un Haïtien. Le Guyanais fait face aux dépenses immédiates et se foute de tout ce qui a rapport avec Haïti. Les Haïtiens se sentent solidaires de leur partenaire. (F. 41 ans)
- C’est à partir de 82 que cela ( le djalisme) m’est arrivé. Pendant 13 jours je fus placé avec elle. Comme elle avait des dettes en Haïti, je la prends en charge pour faire l’expédition d’argent pour elle. Quand elle est arrivée, c’ est comme si elle n’avait pas de parents. Elle avait deux sœurs illettrées et parmi elles, elle était la plus éclairée. Elle n’avait pas d’enfants pour la prendre en charge quand l’argent était expédié. Elle est arrivée à laisser son mari, un Anglais, à cause de moi. Elle avait un petit garçon en Haïti, son fils chez sa sœur aux Cayes. Je suis allé le voir. Tout ce qu’il avait manqué, fourniture, etc. Je les ai achetées. A mon retour elle a laissé le monsieur et jusqu’à présent elle fait la lessive pour moi, me prépare à manger. Enfin, elle fait ma « propreté » parce que vous savez ce sont les femmes qui prennent soin des garçons.
- Alors, comme 5X8 = 40, je l’ai gardé et elle-même, malgré que la femme n’ait pas de sécurité, tout dépend de la chance, cela prend des dispositions pour que cela ne casse pas. Mais moi, vu ma conscience, devant sa face, mais derrière mon dos, je n’ai pas confiance. J’ai fait tous les efforts pour qu’elle ne casse pas avec le mon- sieur. Elle me dit que le monsieur n’apportait pas assez d’amélioration et qu’il n’était pas caressant. Le monsieur avait 6 fois plus d’avantages que moi. Il avait beaucoup de jardins, mais il n’avait pas l’amour. Après que le monsieur a fini de faire un petit amour » avec elle et au lieu qu’ils restent face à face, mette sa main sur elle, fait un « petit parler » il lui tourne le dos. Alors ce n’est pas dans son sentiment, elle a 36 ans. C’est la situation qui fait qu’elle prend contact avec le monsieur .(H ., 40 ans)
- Ce cas illustre les deuxième et troisième possibilités stratégiques qui consistent à élargir le réseau des hommes partenaires de façon à maximiser les revenus
- Les exemples qui suivent illustrent les ambiguïtés de cette relation liminale entre la domesticité et la prostitution.
- Quand je lui demande un service, elle refuse. Je lui ai demandé de me préparer un bouillon, elle a refusé. Nous nous sommes fâchés malgré que je lui aie donné un peu plus d’argent pour me préparer un bouillon. Elle me demande si elle doit coucher avec un autre homme de plus pour pouvoir me donner du bouillon. (H.).
- Il y a deux sortes de femmes, il y a une série qui a un « mari plus deux trois djals. Elles ne font que chercher leur moyen de vie, il y en a qui n’ont pas de « mari, elles ne font que « mener » (prostituer) c’est leur forme de business. (H., 46 ans)
- Ces rapports diffèrent, en Haïti c’est plus direct, il y a moins de « combines » à faire qu’en Guyane où les femmes sont venues « chercher la vie » et c’est ce qui prime avant tout. Un homme qui veut être stable doit tout payer sinon il partage la femme avec 4-5 Djal. Souvent les femmes préfèrent avoir plusieurs djal qu’un homme stable. (H., 30 ans)
- Les femmes ici ne sont pas trop à l’aise. Il y a des femmes ici qui préfèrent vivre seules parce qu’elles peuvent avoir plusieurs hommes et gagner plus. (F ., 30 ans )
- Elles ne sont pas à l’aise. Elles doivent «Mennen ka Mennen». Elles rencontrent, elles prennent, rencontrent, prennent. La femme haïtienne est faite pour une seule personne. En Guyane il n’y a pas ça. Elle est obligée de vivre par ici par là. Marcher, cou- cher avec les garçons. La situation oblige à le faire. (F.,27 ans)
- Les femmes ici, c’est une question d’argent. Avec de l’argent, l’homme peut coucher autant qu’il veut. Ici on n’est pas comme en Haïti. A l’arrivée, j’ai passé 3 mois sans connaître de femmes. Quand j’ai un petit boulot, à ma première paie, j’ai fait « graisser mon moteur » pour 100 F la nuit. J’ai des relations avec elle durant un mois en tant que djal . Le « Djal « est une relation une fois par semaine avec promesse de 500 F quand le mois est « tombé » .Nous avons rompu parce que je ne pouvais pas m’acquitter de ma dette. J’ai connu les mêmes moments qu’avant, vide, sans amie, humilié, mélancolique. La situation était tellement difficile que j’ai failli voir « 4 saisons dans un mois » .( H ., 25 ans )
- En Haïti, les femmes ne demandent pas combien vous voulez leur donner. C’est vous qui jugez de leur valeur. Ici, elle préfère l’argent à la cour, même si elle a un mari en Haïti ce n’est pas son problème , elle dit à son mari qu’elle est partie pour chercher du travail. (H. )
- La première fois qu’elle m’a vu au Carnaval, j’ai cherché à coucher avec elle. Elle a refusé et elle m’a dit qu’elle aimerait faire Djal. Comme c’est une belle femme, elle m’impose 500 F comme condition. Je lui dis que cela ne vaut pas la peine. Nous avons eu un moment d’amour, elle m’a demandé 200F pour ça.
- Je travaille sur un chantier. Chaque jour passait une belle fille haïtienne. Une fois, elle m’aborda et m’expliqua qu’elle était mal prise, elle avait besoin de 500 F sinon elle perdait son logement. Je suis allé chez elle passer un petit moment. Le jour suivant lors d’un arrêt de travail je suis entré chez elle faire un « petit repos ». Elle me dit qu’elle n’aime pas que les gens rentrent et que le lit soit défait. Elle m’a mis à la porte. Elle me dit qu’elle a déjà un djal et qu’elle n’a pas besoin de moi. J’ai perdu 500 F. (H., )
- La femme qui est dans le désordre (prostitution) a sa chambre. Elle loue sa chambre, elle dort toute seule. Quand elle était en Haïti, elle ne pouvait dormir seule, elle avait peur du diable. Arrivée ici, tous les diables sont disparus. Un homme vient passer un moment avec elle et lui donne 100 F, 200 F. Avec ça elle gagne son pain. (F.,)
- Ils demandent à coquer pour 100 F. Je le fais plus facilement par peur du Sida. La femme haïtienne sait faire 1F avec 0,50, mais les femmes haïtiennes ici vivent comme des oiseaux, elles ne sèment ni ne plantent, mais elles récoltent. Si on mange en Guyane, il est possible qu’on aille boire de l’eau en Haïti. (F., 29 ans)
La violence et les femmes
D’après les statistiques concernant la délinquance des immigrants, les Haïtiens ne seraient concernés que par les expulsions pour les infractions à la législation de séjour (15,5%) soit pour 1984 une répartition concernant 135 cas d’entrée irrégulière, 16 cas d’atteinte à l’ordre public. En fait il n’y a aucune criminalité haïtienne dans les domaines des vols, extorsions, trafic de stupéfiants, fraude, etc. Les atteintes à l’ordre public concernent surtout des conflits domestiques où des conflits entre membre du groupe haïtien.
Quelques cas auxquels on se réfère lors des entrevues furent rapportés par le journal local France-Guyane.
Ce cas illustre un conflit entre femmes partenaires qui s’entraidaient, mais qui a dégénéré faute de remboursement où un homme aurait joué un rôle .
Une Haïtienne blesse mortellement une de ses compatriotes.
Voisines dans un quartier « populeux » les deux femmes sont réputées « commères » et s’entraident lors de coups durs. Pour une raison inconnue, l’une d’elles réclame avec force et menaces le retour d’un prêt à son amie. Il semble que ce prêt avait déjà été remboursé par son propre concubin! Attaquée au bâton, les femmes qui l’empoignent, elle s‘affaisse blessée mortellement au cou. Elle proteste de son innocence, son couteau de cuisine était resté dans sa poche. (F.G., 14/03/86)
La rivalité pour les femmes constitue aussi un des prétextes à la violence. Dans le premier cas, on peut reconnaître l’importance du réseau d’origine villageois et de parenté, mais aussi le sexisme de la défense.
Réclusion pour l’assassinat de sa concubine: un homme tue sa femme de coups de sabre durant son sommeil. Il se méfiait du beau-frère de son voisin qui, à deux reprises, était allé à sa concubine en évitant ostensiblement de le saluer
« Jeune femme sérieuse et irréprochable » , elle avait pris contact avec un de ses compatriotes haïtien originaire du même village qu’elle et avec son cousin vivant en Guyane elle leur avait demandé de lui trouver une chambre à M. et de venir la chercher pour qu’elle puisse quitter son compagnon. L’avocat de la défense fait valoir l’état de crise de l’homme et propose une peine avec sursis et expulsion: de retour dans sa famille il pourra peut-être s’en sortir. (F.G.,02-07-82)
Dans le premier de ces deux cas, la rivalité entre hommes est spontanée alors que le deuxième illustre la rivalité interethnique et la solidarité masculine.
Lors d’une fête de carnaval, D. reprochait à sa concubine de danser avec F. F. aurait tenté de les séparer et aurait repoussé brutalement la felllne. D. « Par réflexe et jalousie » aurait sorti un couteau de sa poche et frappé mortellement F. au niveau du coeur . (F.G., 13-03-84)
Du Rififi chez les Immigrés de Suzini: quatre blessés.
Violence au « village haïtien » entre Haïtiennes et Brésiliens utilisant des bâtons et des sabres causant des blessures légères.
La cause fut « l’attention portée ~ certains hommes du clan brésilien à une jeune femme appartenant à l’autre communauté. (F.G. 01-07-83)
Six de prison pour A.D. l’auteur d’un coup de couteau meurtrier.
A.D. fait connaissance de madame R.P. chez sa belle-sœur, veuve de son frère dont la mort l’affecte profondément. R.P. connu pour son tempérament volage décevait cette attente. Rendu jaloux par son infidélité A.D. lui reprochait souvent cette attitude, mais continuait malgré tout à la fréquenter. Un soit ils se joignent à de nombreux Haïtiens réunis au « Mogador » pour fêter un baptême. A.D. danse une fois avec sa compagne et gagne le bar pour y boire une boisson. B.R. la future victime offrit une bière au couple et invite R.P. à danser. A.D. demande des explications à B.F. et se rend auprès de R.P. pour lui dire que B.F. voulait avoir des relations sexuelles avec elle. R.P. fait confirmer cette étonnante déclaration. B.F. mécontent profère des insultes et traite A.D. de maquereau, ne comprend pas qu’un homme serve d’intermédiaire entre sa concubine et un autre homme. A.D. sort uriner, B.F. le rejoint dans la ruelle, le pousse sur la tôle provoquant sa chute. Blessé au bras A.D. sort un couteau et tue B.F. Né à Aquin en 1949 A.D. est orphelin de père, sa mère faisait le commerce de feuilles de tabac. Connu pour être calme , travailleur timide et solitaire . Sociable il attire la sympathie des Haïtiens. (F.G. 14-06-85)