34 Le Projet de Retour

Si la Guyane n’aime pas les Haïtiens, elle ne pourra pas profiter d’eux, car, comme disent les vieux en Haïti :
Si tu n’aimes pas le poisson, tu ne peux pas aimer le bouillon de poisson .

La Chute de Duvalier

La chute de J. C. Duvalier le 7 février 1986 a stimulé l’idée de retour chez tous les Haïtiens de la diaspora. En Guyane, cet événement fut souligné par des manifestations politiques des partis haïtiens en Guyane : (I.F.0.PAD.A et RDN) et par des fêtes populaires.
« Nous avons fait une grosse fête lorsque Jean-Claude est parti mais maintenant il faut se mettre ensemble pour réaliser ce qu’il nous empêchait de faire. Et ce même si ce n’est pas tout de suite… Mais maintenant, nous avons presque peur de retourner. Peut-être que l’on peut passer, peut-être pas»
Du côté guyanais, la nouvelle de la chute de Duvalier est vue comme un espoir de régler la question de l’immigration. comme l’exprime un politicien guyanais dans un texte intitulé·

« Dans la voie de la dignité humaine ».

Il déclare que :“Les Guyanais en liesse ont manifesté leur sympathie à la communauté haïtienne ” et il pense que cela pourra “générer’ un phénomène de ‘retour au pays’” et “marquer la fin de l’exode”.
Cela permettra aux pays d’accueil de se consacrer à l’insertion de leurs immigrés et non plus d’avoir à se soucier de leur fermer la frontière”.
Il croit que cette politique devrait veiller à « la réunion des famille » et à la mise en œuvre d’une politique d’habitat qui fasse échec eux “marchands de sommeil” (F.G. 18 -5-86)

L’Ambiguïté“Youn cou d’cho, youn cou frèt”

Le retour est toutefois difficile à penser et malgré les pressions diverses qui le favorise, l’ambiguïté demeure :
«Entre retourner en Haïti ou faire venir ici ma femme, mon idée oscille entre les deux. »
“Les Haïtiens disent ‘Demain si Dieu veut, je retourne à la maison’, mais ça peut durer comme ça jusqu’à l’an 2,000 ! C’est un problème grave, il n’est jamais prêt à retourner, car il ne voit pas de possibilité chez lui. Ce n’est pas seulement Duvalier qui est la source de tous les problèmes.
Le pays n’est pas encore en mesure de recevoir toute la diaspora haïtienne.”
“Je me demande pourquoi retourner. Duvalier est parti, mais Haïti n’est pas encore libérée.
Haïti est débarrassée d’un dictateur, mais ce n’est pas pour autant qu’Haïti est devenue en bonne forme. Haïti est encore plus mal que sous Duvalier au commencement surtout à cause du déchoukage, du nettoyage.
Il y a beaucoup de désordre, tout ça se fait en désordre. Ce n’est pas parce que Duvalier est parti, non c’est surtout si je ne trouve vraiment rien ici. Mais s’il y a des possibilités pour que je puisse aller de l’avant, c’est-à-dire pouvoir participer à une organisation pour faire des actions pour reconstruire le pays.”
“J’ai envie de retourner, mon idée est là, mais le jour n’est pas encore arrivé. Je pense que tout le monde veut retourner, mais si nous avons quitté Haïti, c’est parce que nous n’avions aucune situation. Si j’avais pu vivre en Haïti, je ne me serais jamais déplacé. C’est ce qui n’est pas bon qui nous a mis dehors. S’il faut retourner dans la même situation en Haïti vaut mieux mourir dehors à l’étranger. C’est Duvalier qui a mis plusieurs Haïtiens dehors. D’après Duvalier. On ne connaît pas encore. Est-ce que la situation quotidienne va changer ?
A chaque fois que je m’endors j’ai des visions d’Haïti. En Haïti, il y a le problème des écoles pour les enfants, il faut payer et c’est une des raisons qui fait que je suis ici. Les salaires sont aussi trop faibles. Serais-je pire en Haïti ?”
“Il y a des personnes qui sous la foi de cette rumeur (fin du Duvaliérisme), ont vendu leurs affaires et qui attendaient impatiemment. Je ne pense pas que beaucoup de personnes s’attardent longuement à comparer leur situation ici avec ce qui les attend en Haïti. Il y en a une minorité qui le fait. Moi par exemple, je fais beaucoup d’argent ici et je ne me plains pas au point de vue travail, j’ai une belle maison. Mais je sais qu’ici je perds ma personnalité, car les gens ne me respectent pas ici en tant qu’Haïtien, parce que je suis Haïtien. J’aurais préféré être en Haïti pour être un citoyen normal.”

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Certains individus ont déjà une réponse à cette question de ce qui se passe en Haïti, car ils sont retournés en visite pour voir comment les choses se passent.
L’image de misère et d’incertitude qu’ils rapportent du pays et qu’ils diffusent autour d’eux ne rien d’encourageant pour les personnes qui caressent le rêve de repartir le plus tôt possible
“Je suis allé voir, sentir pendant un mois ce qu’Haïti est devenu après le 7 février. J’étais vraiment content parce que cela faisait 9 ans depuis que je n’avais pas vu ‘Haïti-Thomas’, Haïti chéri, notre Haïti. J’étais content aussi car c’était une occasion de revoir mes vieux parents, mes omis et tous les gens que je connais. Je peux vous dire que lorsque l’avion a atterri mon cœur battait très fort, très fort comme un jeune garçon qui courtise une femme et que cette jeune femme lui dit oui. C’est comme ça que mon cœur se sentait lorsque l’avion a survolé Port-au-Prince. Quand j’ai foulé le sol de Port-au-Prince, je n’ai pas besoin de vous dire que les problèmes sont urgents pour les Haïtiens.”
J’ai regardé dans quelle petite misère le régime macoute a laissé le pays. Mes amis, ce n’est pas de la petite misère !”“Depuis que Duvalier est parti, j’ai vu que Haïti a changé. J’ai remarqué quand je suis allé qu’il y avait plus de pluie. On peut planter du mais, des pois inconnus et ce, assez pour en vendre. Ayant vu cette possibilité et mon père ayant un terrain, je préférerais rentrer pour faire ça que de demeurer ici sans travailler.”
“Vous vous apercevez en commençant à tourner dans Port-au-Prince comment la vie est chère et vous demandez comment les petits malheureux font pour vivre. Ce qui est le plus dur, c’est lorsque vous voyez des enfants de11 ans, 13 ans qui demandent la charité aux alentours des restaurants et des bars. Eh bien, ça blesse le cœur ! il y e aussi quantité d’infirmes, de gens estropiés qui traînent dans les rues de Port-au-Prince.
Il y a aussi la surpopulation de Port-au-Prince, une grande quantité de gens. Les journaux disaient que Port-au-Prince était aménagé pour 100 000 personnes et qu’il y a maintenant plus d’un million d’habitants… il faut le voir avec nos yeux pour le comprendre, voir la très grande quantité de gens qui circulent dans Port-au-Prince. Il n’y a pas de construction de logement et le coût des loyers a monté énormément, avec la pénurie, c’est normal.
Les constructions existantes sont-elles faites n’importe comment, par exemple à Delmas. Les maisons sont entassées n’importe comment les unes sur les autres et c’est normal qu’il n’ait pas d’eau. L’eau est un luxe dans Port-au- Prince. En province, on a de la chance, car il y a la rivière, mais à Port-au- Prince un verre d’eau est quelque chose qu’il faut garder précieusement L’électricité ça monte et ça descend, les appareils tombent en gargote à cause du mauvais courant…”

Le chômage aussi est un grave problème.

Depuis le 7 février, il y a déjà 12 000 personnes qui ont perdu leur travail Le patron de la Hasco a déclaré qu’il fermait Hasco jusqu’après les élections.”“Lorsque je suis allé en Haïti, j’avais un copain qui revenait de New-York. C’était en 83′ et ça faisait deux ans qu’il était à New York. Les gens qui viennent d’ailleurs tu peux voir ce qu’ils ont il me demande ce que je fais ici et je lui réponds (avec une petite voix !) : Rien, je passe mon chemin.” il me dit. “Regarde, moi je viens tout juste d’acheter deux terrains. Je peux te montrer les papiers. Deux terrains à Delmas.” Ça ce n’est pas un petit peu d’argent ! Tandis que moi, je ne pouvais même pas m’acheter un petit cabri !(rires) »
L’attitude des immigrants face au retour dépend de plusieurs facteurs. Certains qui ne sont pas retournés depuis longtemps, ne veulent qu’aller voir ce qui s’y passe :« J’ai 5 enfants en Haïti et une femme. J’ai la chance d’avoir mon père qui est là et qui est responsable car ma mère est morte. Si je n’avais personne de responsable pour les enfants pour l’école, etc. Je serais pris. La situation est difficile, car si tu réussis toi à trouver quelque chose à manger ici, pendant que tu manges tu te mets à penser que là-bas tu ne sais pas ce qu’ils mangent. Tout ça te coupe l’appétit ! Peu importe comment sera 87′, il faudra que j’aille voir comment sont mes enfants.

Séjour temporaire

Comme la plupart des immigrants pensent ne s’être rendu en Guyane que pour une durée limitée de temps, ils se considèrent simplement en séjour temporaire :
“Depuis que je suis arrivé ici, j’ai pris l’odeur du pays, j’ai senti le pays. Je n’ai jamais voulu monter une boutique ici même si mes parents d’ici disent que je suis un raté. Je savais et je sentais que je n’étais pas fait pour rester dans ce pays — là. J’ai toujours pensé comme ça, car l’adaptation n’est pas facile et de toute façon si tu as monté un <business>, tu hésites à retourner en laissant tout ça. Moi je peux partir ce matin, il ne me faut qu’une valise et mes ciseaux. Tout ce que j’ai est dans ma valise.”

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