Comment les Haïtiens perçoivent-ils les relations interpersonnelles et institutionnelles avec les Guyanais ?
L’amitié
- « Comme je suis jeune, j’arrive à bien m’entendre avec les Guyanais de tous les âges aussi ils me donnent de la place dans leur auto s’il y a une urgence. Il y a des guyanais qui sont bien avec les Haïtiens, mais il y en a d’autres qui ne sont pas contents de voir des étrangers chez eux, ils font des jalousies. Il y a beaucoup de mes amis guyanais pour qui je fais des jobs, je nettoie leur terrain, je coupe leur gazon, etc…
- “Quant aux hommes guyanais ici à Cayenne, je n’en connais pas. Cependant,, quand j’étais à St-Laurent, j’avais beaucoup d’amis guyanais. C’était des relations de camarade. Nous n’avions aucun problème pour fonctionner ensemble. Ici mes seuls camarades sont des gens qui habitent à la même place que moi. À St-Laurent c’était plus facile, Je ne sais pas si c’était à cause de moi ou si réellement, c’était plus facile en général. Il faut dire qu’ici je n’ai pas vraiment essayé. C’est peut-être parce qu’à St-Laurent, il y a beaucoup d’ethnies que c’est plus facile ?”
- “Les Jeunes haïtiens se font beaucoup de copains à l’école, partout ils parlent le créole guyanais, etc. Mais le fait que tu sois Haïtien revient toujours à la surface lorsque tu n’as plus rien à partager, les jeux par exemple. En fait, ce ne sont Jamais de vrais copains ! Il y a de la discrimination.”
Les conflits interpersonnels
- “Moi, je me suis rendu compte dès le début que ce pays n’était pas bon pour moi. Les dialogues des gens sont différents des tiens, leur comportement, leurs mœurs aussi. Tout cela jette un discrédit sur la communauté haïtienne d’ici et aussi sur Haïti. Moi j’ai vécu à Port-au-Prince et quand bien même les gens ont des divergences, ils s’engueulent, c’est tout ou encore, ils traiter leurs différents en Justice ou à la police Ici, pour un çi ou pour un ça, le Haïtien sort un couteau pour blesser un autre Haïtien”
- “Le monsieur plante des bananes, des patates. Le bœuf d’une Guyanaise a mangé une ou deux feuilles de patate, il est allé lui demander 300F francs. La guyanaise a payé. Elle a dit : Je ne comprends pas, je suis guyanaise, je suis dans mon pays. Si le monsieur reste ici, moi je quitte. Le maire avait déjà eu des histoires avec lui et il l’a fait expulser. On l’a raccompagné”
- “A Sinnamary, un jour un Haïtien et un Guyanais ont commencé un combat. Ce sont des hommes qui se battaient pour des raisons inconnues. L’Haïtien impliqué dans l’affaire a rapidement fui à Kourou. Par la suite, les Guyanais se sont mis à pourchasser des Haïtiens dans Sinnamary. Ils ont détruit les maisons de quelques personnes. Même l’adjoint du maire faisait partie de la bande qui pourchassait les Haïtiens. Ça c’est de l’abus d’autorité”
- Sur le chantier tout le monde parle entre eux en créole sauf avec le patron à qui l’on parle français car il est français. Les brésiliens parlent portugais entre eux. Les anglais parlent surtout le créole entre eux et quand je parle aux brésiliens, c’est en créole.
Séparation culturelle
- Il y aurait une relative fermeture des relations inter-ethniques sauf celles structurés par les relations de travail. Ici , chaque groupe d’immigrants est séparé, ils vivent tout seul, c’est très rare que l’on voit un haïtien avec un guyanais. La majorité des Haïtiens sont complexés, ils ont des préjugés face aux immigrants haïtiens ou brésiliens. Ce sont les haïtiens qui sont les plus humiliés car ce sont eux qui sont arrivés en dernier.
- « Ici, nous les Haïtiens ne vont jamais dans les bars. Si tu veux, rencontrer des Haïtiens c’est dans les mariages, les baptêmes ou les « zouk. De toute façon, les guyanais ont leurs affaires et nous ne sommes jamais invités chez eux. Nous aussi lorsque l’on est ensemble, on reste ensemble. Les autres nations, les Brésiliens, les. Anglais. Tu peux entrer chez le : Chinois pour prendre quelques bières et au moment où tu t’y attends le moins, l’un sort son couteau, les Anglais leurs fusils. De toute façon, on en a peur parmi des Guyanais, il y a des mauvais et des bons mecs comme on ne les connaît pas, il vaut mieux demeurer dans son coin et se faire tout petit. Comme ça chacun est dans ses affaires.
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Nous avons déjà invité quelques Guyanais dans nos fête mais eux, ils ne t’invitent jamais.
- « Ici à St-Laurent entre les Saramakas, les Indiens, les Chinois, les Bonis et les Boschs, ce sont les Boschs qui sont les pires, il n’y a pas d’accord (amitié) avec les autres ethnies. Les Haïtiens sont avec les Haïtiens seulement. Même si tu as un problème dans la rue, tu peux toujours crier Ce n’est qu’un Haïtien qui peut t’aider, car les autres ne s’occupent pas de vous.
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Pour nous ici, on pense que tous les Haïtiens sont des frères, nous sommes tous des enfants de la même mère et du même père S’il y en a un qui fait une bêtise, c’est nous tous qui le font.
- Il faut faire la leçon pour que quelqu’un marche droit, car c’est nous tous qui participe là-dedans quand il arrive quelque chose. Ils disent, ce sont les Haïtiens.« Toutes les relations que j’ai avec les guyanais c’est sur les chantiers seulement. Tous les guyanais sont gentils avec moi. On se parle comme ça, les Brésiliens m’ont donné un surnom portugais qui veut dire « petit oiseau » car, je parle beaucoup de politique On en parle beaucoup ensemble. Au début, ils pensaient que je discutais pour discuter mais chance pour moi Duvalier est tombé. On a fait la fête.
- « Il y a des Martiniquais et des Guadeloupéens qui font le même travail que les Haïtiens, ils travaillent aussi comme maçon, mais ils sont mieux payés car ils sont français. On s’entend assez bien avec eux, mais surtout les Martiniquais, ils sont jaloux de toute façon, tous les étrangers les considèrent supérieurs aux Haïtiens. Ils sont beaucoup mieux acceptés et ce même s’ils sont violents. Les Haïtiens, on ne veut pas les voir en Guyane
- Je suis bien avec plusieurs nations qui sont ici. Guadeloupéens. Martiniquais, Guyanais, St-Lucien, car ce sont mes clients. Voici, eux aussi ont des problèmes car pour plusieurs c’est la misère qui les a fait venir ici. Les Ste-Lucien ont les mêmes problèmes que nous en ce qui concerne le fait de se faire payer pour· le travail.
- « Les Ste-Lucien eux ne comptent pas, car ils sont français. Il y en a qui ont 20 ans ici et j’en connais un qui est ici depuis 42 ans et il n’est jamais retourné chez eux. Ils construisent leur maison et ils habitent ici. Ceux qui ne peuvent rien voir devant eux, ce sont seulement les Haïtiens. »
- « Les brésiliens sont acceptés maintenant ici. Ce sont tous les immigrants y compris les haïtiens qui aident la Guyane à se développer. On reconnait maintenant le travail des St-Lucien et des Brésiliens mais pas encore celui des Haïtiens »
- « Même les Brésiliens méprisent les Haïtiens. Prenez moi par exemple, je travaille dans un chantier où il y a beaucoup de Brésiliens. Avec le temps, j’ai appris un peu de Portugais et je peux discuter un peu en Portugais. Il n’y en a jamais eu un qui a dit quelque chose contre les Haïtiens. Un qui fait une différence. Mais cela ne veut pas dire que les Haïtiens ne sont pas humiliés devant les Brésiliens. Ils disent souvent en blague. “Regardez messieurs comment vous êtes sortis de loin pour venir ici, combien d’argent vous avez payé pour être ici !” Je leur dis que pour eux c’est la même chose, mais ils me disent que non, car eux, ils sont à côté. C’est une blague mais. Nous n’avons jamais de grandes discussions.
- Même les Anglais (Guyana) qui sont des voleurs, car on n’entend jamais dire qu’on met un Haïtien en prison pour vol, au moins on a ça !
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La seule chose, c’est des histoires de femmes qui finissent mal, car soit il la tue, soit il la blesse.
- De toute façon, il n’y a pas d’entente avec personne. Je crois que si Haïti se rétablirait et que les Haïtiens étaient chez eux, tout s’arrangerait. Surtout que l’on commence à apprendre à collaborer ensemble et qu’il commence à y avoir moins ce jalousie. Ce n’est pas un président ou un gouvernement qui fait qu’un pays fonctionne, mais la collaboration. »
- « On peut s’entendre avec des Brésiliens pour· boire ou fumer mais pas pour manger ! Il y a entente, mais cette entente est limitée au social. De toute façon, la conversation est limitée avec les Brésiliens, car ils ne parlent pas beaucoup le créole. Pour se faire payer eux, ils peuvent se battre et même tuer. »
- « Ils expulsent aussi les Brésiliens, mais ils parlent plus des Haïtiens. Si vous regardez bien les lois ici, ce ne sont que pour nos deux nations haïtienne et brésilienne. Toutes les autres nations peuvent faire ce qu’elles veulent, mais dès qu’ils savent que tu es haïtiens ou brésilien, ils cherchent leurs menottes à tort ou à raison. »
- « Ils ont plus de considérations pour les Brésiliens car lorsqu’un Brésilien gagne 5OF. il va chez le Chinois, il achète une bouteille de whisky et la boit là sur place. Ils ne sont pas capables de garder de l’argent dans leurs poches : L’Haïtien s’il gagne 5OF, il va dépenser 40F et garder 1OF.
- « Les Brésiliens ne subissent pas les mêmes humiliations que les Haïtiens. Ils sont plus respectés que nous par ce que même s’ils prennent une petite chaloupe pour entrer ici. ils arrivent avec une profession dans leurs mains. Nous nous ne sommes que des manœuvres. Il y a aussi une autre raison que celle du travail. C’est qu’ici c’est : Terre-Brésil. Si la France vient qu’a se retirer et que le Brésil décide de prendre le pays, ce sera le Brésil d’ici jusque là-bas. Tout ceci leur permet de recevoir plus de respect que nous qui sommes sortis de combien de milliers de kilomètres d’ici. Non, ce n’est pas seulement le métier, car il y a aussi des Haïtiens avec un métier. Je vois parce que te travaille sur le chantier à l’Hôtel de Police que l’on expulse aussi bien des Haïtiens que des Brésiliens. Notre situation est plus difficile que celle des Brésiliens mais chaque groupe a ses problèmes. Eux, ils sont mieux car ils peuvent s’ils ont un problème regagner plus facilement leur pays. Avec 1 000 F, peut-être, ils sont chez eux, car c’est à côté. »
- « Quand j’habitais St-Laurent, je me tenais avec des Bosch. Il y en a plusieurs comme les Bosch. Il y a les Bonis, les Saramaka, les Paramaka. J’étais plus avec les Bosch Jusqu’à ce qu’un jour, je m’éloigne d’eux, car lorsqu’ils sont mauvais, ils sont vraiment mauvais. Si tu as une altercation avec eux, ils ne règlent pas ça tout de suite. Ils te font signe et te disent d’attendre que tu ailles voir. Ils rentrent chez eux et ils passent quelque chose sur leurs mains et si jamais ils te touchent avec ça, tu es endommagé pour le restant de ta vie. Ils sont plus mauvais que les Haïtiens dans les affaires de magie. De plus, il ne faut pas toucher à leurs lemmes, les femmes Boschs. Il ne faut vraiment pas les toucher. J’ai coupé mes relations avec eux lors du dernier carnaval, car j’ai eu un combat avec l’un d’eux. Quand il me demande d’attendre, j’ai quitté le milieu et je n’ai jamais revu mes amis. J’ai fui ma maison pour deux ou trois semaines et aussi les endroits où je savais qu’ils ne pouvaient me retrouver. Ils voulaient me tuer pour un croque-en-jambe que je n’avais même pas fait. Depuis lors je n’ai jamais mis les pieds au carnaval.
- Il y a des Saramakas qui sont maçons et charpentiers. Ils ne sont pas tous sur le fleuve. Ils suivent des cours au Suriname pour apprendre le métier. »« Nous sommes tous des noirs, mais les Saramakas ne s’entendent pas bien avec les Haïtiens. C’est le langage qui nous divise tous les Saramakas sont entre eux, les Bonis aussi… il y a plusieurs nations parmi eux…
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Les guyanais qui étaient jaloux, ils se sont joint avec les Saramacca et les Anglais pour venir battre les Haïtiens dans tous les quartiers.
- Les autorités n’ont pas réagis tout de suite, mais quand cela est devenu trop violent, ils ont été obligé de faire venir les légionnaires de Kourou.
- « Dans la brousse, il y avait 6 Saramakas et 4 Haïtiens. On s’entendait bien. Les Saramakas parlaient un peu de créole et les Haïtiens savaient un peu de taki-taki. On se comprenait. De façon générale, les Saramakas sont ·assez gentils, ceux qui sont difficile pour s’entendre ce sont les Bosch car ils sont portés à se battre. Le Bosch ne veut même rien savoir d’un Saramakas même s’ ils parlent presque la même langue. L’inverse est aussi vrai ! »
Les syriens
- « Les Syriens, ils sont bien ici et ils sont bien en Haïti mais
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ici ils nous emmerdent tout le temps et pourtant en Haïti, nous ne les avons jamais embêtés.
- Quand nous retournerons là-bas en Haïti, il ne faudra plus que les étrangers soient patrons et même si nous n’avons pas les armes, nous prendrons nos machettes pour couper les têtes de tous les étrangers »
Une réflexion sur “Relations interpersonnelles avec les autres Guyanais”